Le mot du coeur

28 octobre, 2022 | Le mot du cœur

Depuis aussi loin que je me souvienne, je pense la plupart des jours à l’expérience des personnes handicapées. Au milieu des années 1980, après avoir consacré 15 ans à l’éducation de ses enfants, ma mère est retournée sur le marché du travail. Elle a commencé à travailler en tant qu’assistante en éducation (AE) auprès d’élèves handicapés. Pendant plus de 20 ans, elle nous a parlé de son travail qu’elle adorait. Une photo remise par un de ses élèves préférés se trouve toujours sur son piano.

En 11e année, je suis devenu entraîneur de natation bénévole pour les Jeux olympiques spéciaux. J’ai reçu beaucoup au sein de cette équipe. Je ne percevais pas cela comme un cadeau à l’époque, mais je ressentais quelque chose de spécial. Je me souviens particulièrement d’un nageur. On pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Il était si honnête. Il pouvait ressentir de la joie et de la tristesse dans la même minute et ne s’en cachait pas. Je me sentais proche de lui. Avec le recul, je constate qu’il a été l’une des premières personnes à m’enseigner à avoir du courage face aux vulnérabilités.

Je croisais souvent deux des athlètes que j’entraînais à mon école secondaire. Ils passaient une partie de leur journée au centre de ressources. J’y allais à l’occasion pour faire une visite, parler avec les enseignants-ressources et utiliser le logiciel sur les choix de carrières pour essayer de savoir ce que j’allais faire dans la vie. Vers la fin de ma 11e année, j’avais appris à connaître quelques-uns des enseignants et de nouveaux élèves du centre de ressources. Je n’avais toutefois pas trouvé ma vocation, en tout cas, pas à l’aide du logiciel.

Durant une pause-repas au début de ma 12e année, alors que je marchais dans les corridors de l’école qui comptait quelque 1 400 élèves, j’ai été témoin d’un événement durant lequel une élève ayant une déficience développementale était ridiculisée par un groupe formé de plusieurs élèves. Un élève était l’intimidateur et les autres riaient de la situation. Hélas, elle riait avec eux, comme si elle faisait partie à parts égales de ce groupe. Ça m’a brisé le cœur. J’ai ressenti de la colère. Je ne savais pas comment réagir à cette situation. Le vendredi suivant, j’ai quitté cette école pour de bon. C’est du moins ce que je croyais à l’époque.

J’ai trouvé ma place dans une école beaucoup plus petite. J’ai obtenu mon diplôme et je me sentais aussi un peu mieux dans ma peau. Le souvenir de cet événement survenu ce midi d’octobre durant la pause-repas ne s’est jamais effacé de ma mémoire. Je pense à l’élève qui se faisait intimider. Je pense aussi à l’intimidateur qui ridiculisait quelqu’un d’autre pour se faire accepter. J’ai aussi de la compassion pour lui.

L’année suivant l’obtention de mon diplôme, je suis retourné à ma première école secondaire pour entreprendre ma carrière d’AE auprès d’élèves ayant des déficiences développementales ou physiques et d’élèves autistes. Certains de ces élèves étaient déjà mes amis. J’ai travaillé dans quatre écoles auprès d’élèves de tous les âges. Le dernier élève que j’ai encadré avant de mettre un terme à ma carrière d’AE demeure l’un de mes meilleurs amis (et enseignants).

Au cours des trois décennies qui se sont écoulées depuis, j’ai joué divers rôles : assistant pédiatrique clinique, soignant de relève, massothérapeute spécialisé en soins du système nerveux et coordonnateur pour la campagne du Timbre de Pâques. Je suis maintenant facilitateur de pleine conscience et compassion et intervenant en soins spirituels à St.Amant. Chaque jour, j’ai le privilège d’en apprendre plus sur la conscience de soi, de trouver un but et un sens à la vie et de ressentir un sentiment d’appartenance en partageant mes valeurs avec d’autres personnes. Voilà en quoi consiste la santé spirituelle, le travail que je fais à titre d’accompagnateur.

Quelles que soient nos croyances, notre santé ou nos capacités, nous cherchons tous et toutes à nous connecter à l’esprit de la vie. Peu importe le rôle joué par les professionnels de la santé et des services à la personne, nous cultivons notre esprit par le travail valorisant que nous faisons au quotidien. De plus, nous avons le privilège d’accompagner des gens afin de démanteler les barrières auxquelles ils font face pour les aider à obtenir le meilleur d’eux-mêmes. Quel cadeau! Chaque jour, je ressens de la gratitude pour toutes les personnes qui m’ont aidé à trouver ma voie ici, dans une vocation ancrée dans l’empathie, la compassion et une humanité commune. C’est une véritable bénédiction de mener une bonne vie. Merci maman xo!

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