Pour les personnes atteintes d’une cardiopathie congénitale, la vie peut présenter des défis et des obstacles uniques. Emily Hyde, infirmière clinicienne spécialisée à l’Hôpital Saint-Boniface, et candidate au doctorat, cherchait des moyens d’améliorer la continuité des soins pour les personnes qui font la transition entre les soins pédiatriques pour cardiopathies congénitales offerts au Centre des sciences de la santé et les soins pour adultes sur son lieu de travail. Ces transitions constituent un domaine nouveau et en évolution en raison des progrès réalisés dans le domaine des soins de santé.
« La cardiopathie congénitale est un terme très large qui fait référence à toutes les anomalies structurelles présentes dès la naissance, explique l’infirmière. La première chirurgie cardiaque réalisée en 1953 pour fermer avec succès un trou entre le côté droit et le côté gauche du cœur a tout changé. Elle a permis à un plus grand nombre d’enfants de survivre jusqu’à l’âge adulte. Depuis les années 1980, nous avons constaté une amélioration des techniques médicales et de la prise en charge. Cela signifie que depuis 2010, il y a plus d’adultes que d’enfants qui vivent avec une cardiopathie congénitale. Mais il y a eu peu de recherches sur la manière de garantir que la transition entre les services pédiatriques et les services pour adultes soit la meilleure possible pour les patients. »
Mme Hyde a demandé et obtenu une subvention Inspiration de 7 500 $ du Réseau Compassion Network pour l’aider à créer des pratiques exemplaires et des lignes directrices qui permettront de prendre soin de la personne dans son ensemble et non seulement de son cœur. « Les programmes qui existaient pour cette transition n’ont pas été conçus conjointement, indique Mme Hyde. Il n’y avait pas de voix ou de témoignages d’expériences de ceux et celles qui avaient vécu la transition pour nous informer. Personnellement, je ne sais pas comment on se sent quand on vit une transition… Mais je sais comment fournir des soins de santé pendant la transition. Nous voulions que les deux aspects de l’expérience soient pris en compte dans la conception du programme. »

Mme Hyde et ses collègues ont gardé l’esprit ouvert et ont invité de petits groupes de prestataires de soins et de patients à des ateliers où ils ont pu partager leurs points de vue. « Ce que nous avons entendu, c’est qu’il s’agit avant tout de personnes normales, et que la cardiopathie congénitale n’est qu’un aspect de leur vie, explique-t-elle. Pour elles, tout ne tourne pas autour de cette maladie. Elles veulent aller à l’école, avoir un emploi, établir des relations gratifiantes, bref faire tout ce que les autres font. Nous devons en tenir compte. L’approche holistique est très importante. »
Les questions posées aux patients étaient simples mais précises : « Qu’est-ce qui a bien fonctionné pour vous pendant la transition? », « Qu’est-ce qui vous inquiétait? », « Qu’est-ce qui a moins bien fonctionné? », « Qu’est-ce qui manquait? ». Les réponses ont parfois été surprenantes. « Pendant que j’écoutais les patients au cours de l’atelier, je me suis rendue compte que je n’avais jamais envisagé les choses sous cet angle, poursuit Mme Hyde. Nous avons entendu des patients nous dire, par exemple, qu’on leur disait “non” si souvent dans leur vie à cause de leur état de santé que tout finissait par leur sembler un obstacle. Ces personnes ont besoin de soutien au-delà des services médicaux, elles ont besoin de travailleurs sociaux et de travailleurs en santé mentale pour les aider à créer la vie qu’elles souhaitent pour elles-mêmes. »
Les rapports initiaux de ces ateliers ont récemment été acceptés et publiés dans CJC Pediatric & Congenital Heart Disease, une revue médicale très respectée. L’édition contient également un éditorial d’un spécialiste belge bien connu des cardiopathies congénitales pédiatriques, qui souligne que tous les praticiens doivent passer de l’éducation à l’autonomisation. « Un groupe incroyable de personnes s’est réuni pour réaliser ce projet, souligne l’infirmière. Des chercheurs, des prestataires de soins de santé et des personnes ayant une expérience vécue ont contribué à ce projet. Tout le monde a adhéré au projet dès le début et les autres prennent maintenant conscience de ce que nous avons accompli jusqu’à maintenant. »
L’équipe utilisera les données et les commentaires de ces ateliers comme base de référence pour pouvoir présenter une demande de subvention plus importante qui lui permettra de déterminer ce à quoi un programme de transition pourrait ressembler. « Sans la subvention Inspiration, il aurait été beaucoup plus difficile de présenter cette demande; nous n’aurions tout simplement pas eu les données nécessaires pour étayer ce que nous essayons de faire, ce que nous voulons créer, confirme Mme Hyde. Toutes les personnes qui participent à ce projet en sont fières. Nous pouvons être des leaders au Canada dans ce domaine, et c’est ce que nous visons! »