Le Centre Youville est bien engagé dans la création d’un environnement fondé sur des principes anti-oppression, anti-racisme et de réconciliation. Le personnel et les patient.e.s ont commencé à remarquer les changements, qui surviennent après une décennie de travail de la part du personnel des établissements de Saint-Vital et de Saint-Boniface.
« Cela fait huit ans que je suis ici, mais il y avait déjà du travail d’entamé bien avant mon arrivée », explique Toni Tilston-Jones, directrice générale du Centre Youville. « Nous nous sommes embarqués ensemble dans un voyage qui nous a permis d’examiner l’organisation dans son ensemble, nos structures et nos politiques, et de les décortiquer. Nous avons dû les déconstruire pour pouvoir les reconstruire. »
L’une des clés de l’évolution vers un espace plus accueillant et plus sûr pour tous, indépendamment du sexe, de la race ou de l’expérience, est le temps consacré par Emeka Ezeh, coordinateur pour la réconciliation et le développement de l’équité. « Ce que nous savons, c’est qu’avant de pouvoir véritablement procéder à la réconciliation, avant de pouvoir réellement commencer à marcher d’une manière adéquate dans nos communautés, nous devons être intentionnels », partage-t-il. « Nous devons commencer par la transparence et la responsabilisation. Si nous n’avons pas ces deux éléments, nous ne partons pas d’un bon pied. »
Mme Tilston-Jones explique que devenir anti-oppressif dans une société et un système de soins de santé encore enracinés dans des idéaux coloniaux exige beaucoup de souplesse et de patience. « On a l’impression de faire des progrès, puis quelque chose change dans le système », explique-t-elle. « Nous devons donc nous assurer que nous envisageons des changements dans tous les domaines, car nous devons rester attentifs aux espaces où nous pouvons faire des percées ou où nous pourrions avoir un peu plus de contrôle sur la façon dont les choses se déroulent. »
D’un point de vue pratique, le travail visant à transformer la façon dont le Centre Youville fonctionne et accueille ses patient.e.s a nécessité de nombreuses conversations avec le personnel et la communauté, ainsi que des changements administratifs concrets pour refléter ces consultations. « L’une des choses dont je suis le plus fier, c’est de voir à quel point nous avons progressé dans notre capacité à avoir des conversations inconfortables », explique M. Ezeh. « Nous sommes plus engagés en tant que groupe, plus désireux de contribuer et d’écouter. Ces sujets et ces conversations ne sont pas faciles. Il s’agit d’un marathon, pas d’un sprint, mais nous sommes dans la bonne direction. »
Tilston-Jones reconnaît que, même si le travail peut être difficile, il est nécessaire. « Lorsque nous faisons bien les choses, cela devient le cœur de ce que nous faisons et de la manière dont nous le faisons », explique-t-elle. « Une fois que cela est établi, on sait que c’était exigeant, mais on franchit un cap. L’énergie et l’élan commencent à changer : le personnel est engagé, il est plus diversifié, les gens interagissent différemment avec la communauté. Le personnel a commencé à se remettre en question et à poser des questions nouvelles et différentes sur la manière dont nous faisons notre travail. C’est une bonne médecine du cœur que d’observer ces changements. »
La communauté remarque également un changement. « Les personnes qui reçoivent des services à Youville n’utilisent pas nécessairement le même langage que nous pour expliquer la sécurité culturelle ou la réconciliation », explique Denise Belanger, une consultante qui a évalué l’impact du travail de lutte contre l’oppression au Centre Youville. « Cela dit, trois thèmes sont apparus très clairement : les gens se sont sentis accueillis, respectés et ont eu l’impression que quelqu’un les écoutait. C’est cela se sentir en sécurité. »
Mme Tilston-Jones partage cet avis. « Je suis en contact avec des personnes qui utilisent nos services et qui ont été systématiquement opprimées et lésées par les systèmes », conclut-elle. « Elles me disent qu’ici, quelqu’un les a compris, a été patient avec elles ou a marché à leurs côtés. Quelqu’un m’a dit que nous étions l’endroit qui le maintenait en vie. Il est possible de faire ce travail, d’apporter ces changements. Nous pouvons devenir un partenaire communautaire très important lorsque les gens se sentent en sécurité et que leur voix compte. »