Après plus de deux ans de préparation, c’est enfin que ce sont rendus au Vatican, du 28 mars au 1er avril 2022, des délégations autochtones provenant d’un bout à l’autre du pays, afin de participer à différentes sessions de partage, dans le but espéré d’avancer sur leur chemin de la réconciliation, et donc, intrinsèquement, de la guérison.
« Les évêques catholiques du Canada ont entamé il y a près de trois ans ce processus, sous forme de conversations en constante évolution, afin de mieux comprendre comment répondre à l’appel à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, souligne Monseigneur Albert LeGatt, archevêque de Saint-Boniface. La découverte récente des fosses près d’écoles résidentielles à fait avancer le travail de réflexion. Le Saint-Père désirait procéder à ces rencontres avec des survivants autochtones, des aînés, des gardiens du savoir, alors j’ai choisi d’aller à Rome pour pouvoir prier pour le succès de l’événement et m’immerger complètement dans ce moment. »

Ont accepté de se joindre à l’archevêque de Saint-Boniface, le père Oblat François Paradis, un gardien des connaissances et formateur qui travaille depuis des années au sein de l’organisme Returning to Spirit, et Lisa Raven, qui en est la directrice, originaire de la Première Nation Hollow Water, au Manitoba. « Je nourri une relation avec père François et Lisa depuis des années et j’apprécie leur regard, leur attitude, leur capacité à ouvrir des portes et entamer des dialogues, leur perspective, leur écoute et leur ouverture, souligne Monseigneur LeGatt. Il était important de faire ce cheminement ensemble dans nos cœurs, et je suis touché par ce réengagement constant l’un envers l’autre, l’un pour l’autre. »
Le chemin de Lisa Raven vers la réconciliation se construit depuis des années. Et depuis quelque temps, elle s’ouvre, ainsi que l’Église catholique, à une nouvelle façon d’envisager la réconciliation. « La réconciliation est davantage un voyage qui se déroule avec des relations formées en cours de route. Pendant de nombreuses années, j’étais dans l’aversion et j’évitais de m’ouvrir surtout auprès d’Oblats. Je n’étais pas en mesure d’envisager la réconciliation. J’étais encore dans le blâme. Mon cheminement a dû commencer par une connexion avec les Oblats, ce que j’ai fait aux côtés du Père François. Nous avons participé à des cérémonies ensemble, nous avons travaillé ensemble. »
Accueillis à Rome à la Maison générale des Oblats, Lisa Raven, le Père François Paradis et Mgr LeGatt ont pu se rencontrer et partager ensemble, avec d’autres invités également, repas, réflexions, cérémonies et prières. « Jamais de ma vie je n’aurais pensé me sentir accueillie dans la maison des Oblats », mentionne Lisa Raven. Avant d’arriver, je craignais d’avoir un mauvais déclic en entrant dans leur maison à Rome, mais ce ne fut pas du tout le cas. Ils étaient très accueillants, curieux, posaient beaucoup de questions sincères et nous avons eu de nombreuses discussions profondes. François et moi avons pris notre pipe et priés pendant que les conversations se déroulaient. C’était une grande étape de guérison pour moi ; faire cela dans la maison des Oblats à Rome était tout simplement incroyable. »
Le fait de pouvoir être entendus est une expérience que les ancêtres de Lisa n’ont jamais eu la chance de vivre. « Pour moi, cela est un acte de réconciliation et donc de guérison. J’espère qu’il en est de même pour les membres de l’Église catholique. Ce voyage de réconciliation est à double sens : les Autochtones et l’Église ne peuvent le faire qu’ensemble, car il y a des traumatismes intergénérationnels des deux côtés. Pour les religieux, il s’agit souvent d’accepter et de faire le deuil de situations passées avec lesquelles ils n’ont rien à voir. Certains de leurs ancêtres ont enseigné dans des pensionnats et ils portent maintenant sur leurs épaules ce qu’ils ont fait et procèdent à tenter la guérison pour tous. Être témoin, depuis quelques années maintenant, de la façon dont nos évêques canadiens font ces pas vers la réconciliation, c’est énorme. Et pour moi, c’est le plus sincère. Cela me donne de l’espoir dans notre cheminement au Canada. »

Pour Mgr LeGatt, la profondeur de la semaine passée au Vatican réside dans le désir sincère du Saint-Père d’écouter, d’être attentif au partage, à ce qui est dans et sur le cœur des gens. Les excuses ont été présentées après des réunions d’une heure avec 31 membres de l’Assemblée des Premières nations, du Ralliement national des Métis et de l’Inuit Tapiriit Kanatami. « La demande de pardon du pape François est une réponse à ce qu’il a entendu, croit Mgr LeGatt. Il ne s’agit pas d’excuses faites parce qu’il fallait les faire, mais de ce que son cœur lui a dit de faire et d’exprimer sincèrement à la suite des rencontres auxquelles il a participé. Ensuite, venir au Canada et demander le pardon ici est une étape logique qui s’en suit et qu’il veut faire. Il a fait sa part à Rome, il viendra au Canada, mais après cela, c’est à chaque diocèse, à chaque église de faire son bout de chemin ; de s’informer, d’écouter, de vouloir rencontrer, de créer des relations qui mèneront à la réconciliation. »
Lisa Raven poursuit en disant que « les excuses sont importantes, et beaucoup de gens avaient besoin de les entendre pour aller de l’avant. Pour d’autres, cela n’avait pas d’importance du tout, et pour des gens comme moi, au milieu, ce sont les sessions qui ont été organisées qui étaient les plus importantes. Elles étaient organisées de manière que nous puissions dire ce que nous avions à dire. Être entendu et cru était l’étape importante à franchir et constitue un aspect de la réconciliation. De là où le Pape est dans son cheminement, je pense qu’il était sincère.
« À Rome, un changement de mentalité s’est produit, avec la prise de conscience que nous sommes tous dans le même bateau. L’idée de réconciliation est individuelle et signifie différentes choses pour chacun d’entre nous. Certains veulent aller de l’avant, d’autres pas vraiment, et ce, des deux côtés. Il n’y a pas de mots parfaits. Certaines personnes ont pris les excuses et ont trouvé un moyen de les rendre discordantes, mais il y a de plus en plus de personnes qui veulent les intégrer dans leur vie d’une manière différente et avancer avec elles dans le chemin de la réconciliation. La réconciliation n’est pas linéaire. La réconciliation est un moment, et nous devons continuer à bâtir sur des moments où nous nous sentons réconciliés. Le but à atteindre est toujours en mouvement et c’est un voyage qui doit se dérouler un moment à la fois, un pas à la fois. »