Partager la langue de Moliére à la Villa Aulneau

30 octobre, 2025 | Charités Despins (Villa Aulneau)

From left to right: Janina Reckrut, Sister Aline Comeau and Sister Emma Bérard.

Lorsque la Villa Aulneau a ouvert ses portes il y a 14 ans, Sœur Emma Bérard a été l’une des premières personnes à s’y installer. Nichée dans les rues verdoyantes de Saint-Boniface, cette résidence pour personnes âgées est un lieu où les résident.e.s comme Sœur Bérard accordent une grande importance à la vie communautaire. Dans cet établissement bilingue qui compte une importante population francophone, les liens se tissent d’abord grâce à la langue.

« Je cherchais un moyen de faire du bénévolat tout en restant près de chez moi », explique Sœur Bérard, aujourd’hui âgée de 79 ans et membre des Sœurs Missionnaires Oblates.  « J’avais entendu dire que certains membres du personnel aimeraient apprendre le français et, en tant qu’ancienne enseignante, j’ai pensé que cela me conviendrait bien. Peu après avoir emménagé, mon premier groupe d’élèves était composé de 14 membres du personnel. Ils avaient vraiment envie d’apprendre, en tant qu’aides-soignant.e.s ou personnel de cuisine, afin de mieux interagir avec les résident.e.s. »

Une autre ancienne enseignante vivant à la Villa Aulneau, Sœur Aline Comeau, consacre également son temps à l’apprentissage de la langue française, mais auprès de la jeune génération. « Il y a dans la communauté des jeunes issus de familles francophones qui souhaitent avoir la possibilité de pratiquer leur langue », raconte la religieuse âgée de 91 ans. « Nous nous asseyons donc ensemble pour discuter. C’est une grande joie pour moi de les voir apprendre. J’ai enseigné à beaucoup d’élèves au cours de ma vie, mais il y a une certaine satisfaction à voir un jeune commencer à s’épanouir après avoir travaillé dur. Cela ne vieillit jamais. »

Tout en soutenant le personnel et les jeunes, les deux Sœurs inspirent également leurs compagnes et compagnons résident.e.s. Janina Reckrut est arrivée au Canada en 1959 en provenance de Pologne, après avoir souvent déménagé avec sa famille pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Elle a appris l’anglais dans des cours du soir et a finalement obtenu des diplômes en beaux-arts et en éducation. « J’enseignais les bases du français à mes élèves lorsque j’étais enseignante, explique-t-elle. Mais j’ai perdu mes connaissances au fil du temps, faute de pratique. Lorsque j’ai emménagé à la Villa Aulneau, j’ai trouvé beaucoup de gens avec qui parler et les Sœurs pour m’aider à réapprendre. C’était une nouvelle chance pour moi ! »

Avec le soutien de Sœur Bérard et trois ouvrages de référence importants, la Bible en français, en anglais et en polonais, Mme Reckrut a réappris la langue de Molière à l’âge de 87 ans. « J’ai appris toute ma vie », dit-elle lorsqu’on lui demande ce qui la motive. « Je suis très curieuse et j’aime découvrir les choses par moi-même; c’est comme ça que j’apprends le mieux. C’est formidable de pouvoir pratiquer à nouveau. »

Les trois femmes rient lorsqu’elles évoquent à quel point l’enseignement a changé depuis l’apogée de leur carrière. « J’utilise encore un petit cahier d’exercices pour m’aider à enseigner aux jeunes », confie Sœur Comeau avec un sourire timide. « C’est le livre que les soldats canadiens utilisaient pendant la guerre lorsqu’ils étaient stationnés en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Il semble toujours faire l’affaire ! »

Bien que chaque enseignante à la retraite participe à faire apprendre la langue française à leur manière, elles s’encouragent mutuellement dans leur travail. Lors de l’entrevue pour cet article, Sœur Comeau a tenu à souligner l’inspiration de Sœur Bérard, qui a lancé un programme de bénévolat pour le personnel. Reckrut a tenu à remercier Sœur Comeau pour sa patience et pour l’avoir aidée à se remettre à pratiquer le français.

« Il est facile de donner en retour avec ce que l’on a », confirme Sœur Bérard. « Beaucoup de membres du personnel avec lesquels je travaille sont des immigrant.e.s qui essaient d’envoyer de l’argent à leur famille dans leur pays d’origine. Ils sont très reconnaissants de bénéficier d’un soutien gratuit, et les résidents sont très heureux lorsque le personnel peut leur parler en français, même un tout petit peu. Tout le monde y gagne ! »