Denise Bélanger sait très bien ce qui se passe quand la chance s’allie à la préparation et à la volonté. Après la naissance de son fils, il y a 25 ans, elle a été engagée pour animer différents groupes de discussion au sein de la communauté francophone. Ce travail l’a amenée à faire carrière dans le domaine de l’évaluation et de la recherche en sciences sociales. Cette animatrice passionnée est une véritable source de connaissances et de sagesse et a prêté son savoir pour relever certains des défis stratégiques les plus ambitieux du Réseau Compassion Network.
Elle sait aussi très bien que bien des personnes n’ont pas eu de chance, ont des problèmes de santé et n’ont pas été choyées par la vie, et que tout ça n’est souvent pas de leur faute. Elle explique de telles situations entre autres par une théorie sociale appelée la « pauvreté complexe ». Elle prend le temps de nous en parler et d’expliquer comment cette théorie peut avoir des répercussions en guidant notamment le travail du RCN dans la communauté.
Tout d’abord, pourquoi est-il important de définir une théorie sociale pour une organisation comme la nôtre?
Quand on pense au plan stratégique du RCN, il est clairement énoncé qu’il est essentiel de répondre aux besoins non satisfaits. C’est le point d’ancrage de tout ce que vous faites. En examinant ce plan, il est devenu clair qu’une sorte de cadre de référence serait utile pour déterminer comment vous pouvez tenter d’adresser les besoins communautaires, les besoins sociaux non satisfaits les plus urgents. Ce cadre pourrait aider à répondre à certaines questions, comme « Pour quels types de besoins sociaux fournirait-on du financement? Comment peut-on faire une différence en agissant de façon cohérente et avec un impact réel? ».
Avec notre directeur des initiatives stratégiques, Paul Vermette, vous avez convenu que la pauvreté complexe est une théorie sociale qui pourrait orienter notre travail. Expliquez-nous ce que cela signifie?
Beaucoup de gens croient que la pauvreté est quelque chose de simple, qui se résume à un manque d’argent. À la base, c’est le cas, mais les choses sont en réalité beaucoup plus compliquées que cela.
La pauvreté ne comporte pas une unique facette. Il s’agit d’un amalgame de facteurs interreliés qui créent une situation dans laquelle des personnes sont marginalisées, sont exclues socialement ou ont une vie difficile parsemée d’embûches.
En outre, la pauvreté n’est pas linéaire. Si vous n’allez pas bien, il y a de fortes chances que vous aurez de plus faibles revenus. Nous savons que les problèmes de santé se traduisent par de faibles revenus, et l’inverse est aussi vrai. Si vous n’avez pas un revenu suffisant pour vivre, vous aurez probablement aussi une moins bonne santé holistique.
Vous utilisez souvent le mot holistique pour décrire des théories sociales. Pouvez-vous nous donner un peu plus d’explications à ce sujet?
Un modèle comme celui de la pauvreté complexe permet de jeter un regard holistique sur la marginalisation. Cela veut dire que l’on aborde les besoins d’une personne dans toute leur complexité. Pourquoi certaines personnes se retrouvent-elles dans le besoin? Si on aide quelqu’un à se trouver un logement, on l’aide à répondre à un besoin immédiat. Mais si on ne se penche pas aussi sur ses besoins en matière de santé, sur sa santé mentale ou sur le soutien au revenu qui pourrait être nécessaire, on n’obtient pas vraiment un portrait global de la situation. La probabilité d’avoir un impact dans la vie de cette personne sera plus grande si on connaît vraiment toutes les répercussions de la pauvreté dans sa vie. Ainsi, on peut aider à plusieurs niveaux pour assurer le succès et la santé holistique de la personne.
Pourquoi pensez-vous que la pauvreté complexe est le bon modèle à prendre en considération pour aller de l’avant avec l’atteinte de nos objectifs stratégiques?
Premièrement, elle se concilie avec les autres importantes convictions de votre organisation. Les charismes religieux sont le fondement de tout ce que vous faites. Les enseignements sociaux catholiques sont très bien reflétés dans la théorie de la pauvreté complexe.
De façon similaire aux déterminants sociaux de la santé, la pauvreté complexe devient de plus en plus connue en dehors du milieu universitaire. Souvent, le financement est lié à des théories sociales, ce qui facilite les choses pour trouver d’autres types de financement ou de bailleurs de fonds pour des projets.
Finalement, vous faites déjà ce travail. Nous avons simplement trouvé le modèle qui le définit plus clairement. Par exemple, les Carrefours jeunesse mis sur pied par le travail conjoint de quelques organisations du RCN, qui ouvriront bientôt leurs portes, offriront divers moyens pour endiguer la pauvreté complexe : faciliter l’accès aux services pour les jeunes; mettre l’accent sur des moyens efficaces de leur fournir de l’information et les aiguiller; et inclure leurs familles et les fournisseurs de soins.
Les membres de votre réseau sont déjà profondément investis dans les volets faisant partie de la théorie de la pauvreté complexe. Nous avons maintenant les mots pour définir ce travail en matière d’objectifs stratégiques. Il faut de la planification et des décisions réfléchies pour faire une différence. Cette théorie vous aidera à arrimer votre travail dans l’ensemble du réseau.